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Bandeau théière calli

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samedi 30 août 2014

La Chine vue par Maurice Percheron

C'est en furetant parmi les livres d'occasion d'un libraire de Montpellier que j'ai pu acquérir cette petite perle de Maurice Percheron éditée en 1936 par Fernand Nathan :


Quelques illustrations en couleurs de Zenker et 151 photographies en noir et blanc ornent cet ouvrage. Malgré leur piètre qualité, les clichés sont très intéressants parce qu'ils montrent des détails architecturaux peu connus, ainsi que des oeuvres d'art de différentes dynasties. On y voit également quelques scènes de la vie quotidienne des années 1930, comme ce barbier en train de nettoyer les oreilles de son client :



Selon la légende de la photo, "le barbier ne se contente pas de raser en plein vent mais aussi cure les oreilles et se livre à mille petites opérations de propreté. Parfois même il donne une consultation médicale. Il est aussi un confident, un intermédiaire; il est capable de procurer à son client la marchandise la plus extraordinaire. Il joue son rôle dans les mariages.

On peut aussi admirer la ville de Victoria (Hong Kong) où "dans Des Voeux Road où, sous les maisons de style Tudor et Elisabeth, dominent des arcades commerçantes, les tramways à impériale apportent une note tout à fait britannique." :



Parmi les étrangetés, une photo nous montre le châtiment de la cangue, encore appliqué dans les années 30, malgré son abolition à l'avènement de la République, ici appliqué à "trois commères coupables de médisance" :




Dans ces quelques pages de vélin épais, jaunies et séparées au coupe-papier, Maurice Percheron nous conte "sa" Chine : la Chine vue sous l'oeil d'un ingénieur Français (il fut pionnier des avions sans pilote) contemporain des concessions internationales, peu après son accession à la République en 1911. L'auteur remonte cependant le temps jusqu'au premier empereur, l'empereur jaune (黄帝 - Qin Shi Huang Di). 

Romancé mais tout de même documenté, le livre de Percheron est précieux en ce qu'il nous montre justement ce regard d'un étranger au royaume de l'éternité. Partant de l'invention de la boussole et de la brouette, en passant par les poteries néolithiques de l'époque Yang Chao (-2000), les vases d'offrandes de bronze Yi ou Hien (IIIe siècle), l'auteur nous emporte vers des contrées où le grand général Pe Ya Cho (-490) abandonna la Cour de l'empereur pour devenir disciple de Confucius qu'il rencontra en descendant le fleuve jaune. Il nous emporte du Tibet à Péking (BeiJing), puis nous conte quelques anecdotes sur Marco Polo lorsqu'il était conseiller du khan Koubilaï. Il nous conduit jusqu'au temple de Tashilumpo à Jehol (热河省Rehe Sheng, à l'est de la Mongolie intérieure), construit à la fin du XVIIIe siècle par l'empereur Kien Lung pour recevoir le Panchen lama Erdeni et qui est la reproduction exacte du monastère de Shigatsé au Tibet. 

Après avoir survolé avec lyrisme quelques 4.000 années de dynasties successives, Maurice Percheron termine en nous contant à sa façon la chute de l'empire et la perspective de son peuple, avec des accents de colon hautain et supérieur. Pour exemple, ce passage :

"L'avenir importe peu au Chinois. L'été, sans se soucier que les pluies viendront et qu'il lui faudra un toit bien étanche, il retire les chevrons de sa maison s'il manque d'une pièce de bois. Il a entièrement dénudé son pays en brûlant les arbres pour en faire du charbon de bois destiné à sa cuisine. Et pour rien au monde, il ne consentira à exploiter son sous-sol - qui est une masse de charbon - car il craint de déranger le Grand Dragon qui dort et d'offenser les mânes des ancêtres."

vendredi 29 août 2014

Une ressemblance frappante

J'ai été frappée dernièrement par la ressemblance des traits physiques qui rapprochait deux figures quasiment opposées politiquement : le dernier empereur Pu Yi, né en 1906 et mort en 1967, et le leader communiste Li Lisan (1899-1967), dont le récit est conté dans l'ouvrage de Patrick Lescot "L'empire rouge" (voir article du 5 juillet 2014).

Voici une photo de l'empereur Pu Yi :



A présent, regardez ce portrait de Li Lisan :



Certes, la coupe de cheveux n'est pas la même, les lunettes sont portées à une hauteur légèrement différente, mais la forme du visage, de la mâchoire, du menton, de la bouche, du nez, du front, des oreilles et des sourcils est tellement proche qu'on obtient facilement un portrait des deux figures superposables et superposées ci-dessous :



Etonnant, non ?

vendredi 15 août 2014

Nouilles chinoises


Cet article ne fait pas partie de la rubrique culinaire. "Nouilles chinoises", c'est le titre d'un recueil de nouvelles de Ma Jian, paru en 2006, que je viens de terminer.


Je vous ai déjà fait un petit résumé de ma lecture de son excellentissime "Beijing coma", qui raconte ce qui se passe dans la tête et autour d'un étudiant qui se retrouve dans le coma après avoir reçu une balle dans la tête lors des événements sanglants qui eurent lieu sur la place Tian An Men en 1989.

Cette-fois ci, c'est une oeuvre à mi chemin entre le recueil de nouvelles et le roman sociétal que j'ai eu le bonheur de lire de ce même romancier. Et qui me donne envie d'en lire plus. C'est l'histoire d'un écrivain, d'un donneur de sang professionnel, d'un peintre, d'une actrice suicidaire, d'un croque-mort accro aux crémations; c'est l'histoire d'un chien qui semble insouciant malgré les exterminateurs, celle d'une maîtresse tyrannisée par son amant, d'une femme violée dans la rue... 

Chaque nouvelle est rattachée à une autre, et finalement à toutes les autres par un fil ténu. L'auteur est tout à tour écrivain public, écrivain professionnel et conteur; il nous émeut par une distance incroyable face à des événements absurdes et impitoyables. Des fables qui nous content la vie impossible des petites gens en plein bouleversement de leur psyché alors que le parti vient d'opter pour une "politique d'ouverture". Ces nouvelles sont autant de pamphlets dénonçant l'absurdité d'un pouvoir aveugle et sourd aux besoins essentiels de son peuple et le piège d'un parti qui règne en maître absolu et omniprésent.

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Ma Jian (马建est un génie de l'écriture et de l'analyse sociologique. Né en août 53 sous le signe du Serpent, cet écrivain, poète, photographe, peintre et romancier originaire de QingDao, grande ville portuaire du Nord-Est de la Chine (à proximité de la baie de JiaoZhou), a commencé sa carrière en tant que journaliste au service de la propagande des syndicats chinois. En 1986, ses oeuvres satiriques étant mal vues du parti et du gouvernement chinois, il quitte Beijing pour Hong Kong et décide de visiter son immense pays, puis part pour l'Allemagne en 1997. Il habite depuis 1999 à Londres où il peut, par le biais de son écriture talentueuse, opérer une dissection lucide et poétique à la fois de la société chinoise.