Faut-il que les Chinois aient été inconscients de la richesse esthétique et culturelle qu'ils avaient à leurs pieds pour laisser à des étrangers le soin de rendre les grottes de Dunhuang célèbres ? Car enfin, pourquoi est-ce un archéologue et ethnographe britannico-hongrois, Sir Marc Aurel Stein, qui a ouvert les yeux des amateurs en 1907 sur les grottes de Mogao, près de Dunhang ? C'est sur ce site unique, appelé également "les grottes aux mille bouddhas", que Sir Aurel Stein découvrit les premiers écrits imprimés, datant de 868 avant J.C.
En mars 1908, c'est un sinologue Français, Paul Pelliot, qui se rend sur les lieux alors qu'il effectue une mission pour le compte de l'Ecole Française d'Extrême Orient, dont le siège se trouvait alors à Hanoï. Il y achète à un moine taoïste une partie intéressante des manuscrits de Dunhang (ceux laissés par son prédécesseur britannique, dont des milliers de manuscrits antérieurs au XIe siècle et des estampes à la pierre, ainsi que 30.000 fascicules). A son retour, il publie "Les grottes de Touen-Houang, peintures et sculptures bouddhiques des époques des Wei, des T'ang et des Song".
C'est à un artiste Chinois, Chang Shudong, par contre, que l'on doit la restauration d'une grande partie du site ainsi que la reproduction de ses peintures pariétales près de 40 ans plus tard. Mais cet amateur d'art est passé par la case "Europe" et c'est sans doute grâce à son imprégnation de la sensibilité occidentale que l'on doit la préservation des grottes de Mogao.
Car Chang Shuhong vécut plusieurs années en France où il fut un élève primé aux Beaux-Arts, d'abord à Lyon de 1927 à 1931, puis à Paris à partir de 1932, où il étudia sous la houlette de Paul-Albert Laurens, peintre néo-classique assez en vogue à l'époque. Que se passe-t-il à l'automne 1935 ? Chang Shuhong se promène le long des quais de la Seine et chine (eh oui) parmi les bouquinistes qui y sont installés et qui font le bonheur des passants aux beaux jours. Son regard est attiré par l'ouvrage du sinologue français Paul Pelliot relatif aux grottes aux mille bouddhas et cité plus haut. Et il est subjugué par ce qu'il lit et voit (quelques dessins et illustrations en noir et blanc) sur les oeuvres du IVe au XIVe siècle que l'on y trouve.
Chang Shuhong se rend alors, puisqu'il est à Paris, au Musée Guimet qui est en possession de la plus grande collection d'objets en provenance de ces fameuses grottes. Impressionné par ce qu'il y voit, par la majesté et la créativité des oeuvres, ainsi que par leur symbolique, il décide, à son retour en Chine l'année suivante, de visiter le site qui l'intriguait tant. En 1942, fasciné, il fonde avec cinq collègues l'Institut des Etutdes de Dunhuang. Les grottes étaient à ce moment en bien piteux état : ensablées, abîmées, les peintures murales s'effritaient. Il est attéré : "Il est étonnant qu'un tel trésor artistique n'ait pas été protégé d'une manière ou d'une autre. A notre arrivée sur place, des troupeaux de bétail paissaient juste devant les grottes, qui servaient d'abri aux chercheurs d'or. Partout alentour on trouvait des fragments de fresques qui s'étaient détachés de leur paroi pour se retrouver mêlés aux gravats que l'on trouvait un peu partout."
Chang Shuhong décida avec ses collègues d'établir l'Institut dans les ruines d'un monastère attenant et leur travail commença : déblaiement du sable et des gravats, érection d'un mur de protection, réfection des routes d'accès, plantations d'arbres, numérotation des grottes (492 en tout) et des peintures pariétales. C'est ainsi que pendant les décennies qui suivirent, Chang Shuhong et son équipe restaurèrent ce site archéologique unique et reproduirent bon nombre de ses peintures.
Inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco en 1987 (1er site inscrit de la Chine), le site des grottes de Mogao se trouve dans la province du Gansu, au Nord-Ouest de la Chine. En 2013, le pays décide d'investir 20 millions de yuans afin de protéger les grottes des crues tricentenaires, notamment à l'aide de barres de béton et d'acier.
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