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Bandeau théière calli

Bandeau théière calli

mercredi 29 juin 2016

He Jiahong


En mars dernier, grâce à l'Institut Confucius, j'ai eu l'opportunité d'assister à une conférence du romancier chinois HE JIAHONG (何家弘). La particularité de cet auteur est que c'est un universitaire spécialiste en droit chinois, en système judiciaire et en criminologie. C'est en 1953, pendant les années Mao, qu'il naît à Pékin. A l'âge de 16 ans, en 1969, il est volontaire pour aller travailler dans une ferme-usine du Heilongjiang, au nord du pays. 



Mais la mort de Lin Biao, en 1971, alors qu'il tentait de fuir la Chine, est pour lui un choc et une remise en question du modèle communiste. Il revient en 1977 à Pékin mais se voit écarté de l'université du fait de ses antécédents familiaux (son père et son grand père étaient membres du Kuomintang). Il travaille dans le bâtiment puis comme plombier jusqu'à 1979 où il réussit enfin à rentrer à l'Université de Pékin et y étudie le droit. Il obtient son Master en 1986. Il part ensuite pour Chicago où il obtiendra un Doctorat en droit en 1993. Il rentre alors en Chine et devient enseignant tout en participant aux réformes et procédures judiciaires de son pays. Il enseigne aujourd'hui à l'Université du Peuple, considérée comme l'une des meilleures universités de Pékin. Auteur de multiples articles sur le droit et correspondant d'Amnesty International, il s'est engagé contre la peine de mort et la prolifération des armes. 


C'est avec un grand plaisir que j'ai lu "Le mystérieux tableau ancien", un roman policier publié en 1997. Je l'avais pioché un peu au hasard à ma médiathèque, croyais-je avant de me rendre compte, une fois le roman terminé, que j'avais assisté il y a quelques mois à peine à la conférence qui s'est tenue à l'Université Paul Valéry de Montpellier (en Chinois, avec une traductrice). Le roman raconte l'histoire d'un avocat, Hong Jun, sorte de Sherlock Homes chinois, qui est chargé par la femme d'un chercheur dans une société pharmaceutique qui a le vent en poupe, de trouver la raison qui a conduit se dernier à perdre la mémoire. L'enquête est rendue difficile par l'implication de politiciens et hommes d'affaires corrompus et la naïveté d'une jeune chinoise qui tombe dans les bras d'un soi-disant peintre. Le roman tient le suspense tout du long et l'assistante de Me Hong, Song Jia, est un personnage très attachant.

Ses autres romans :
  • Crime de sang (Feng Nü),1995, Ed. L'Aube.
  • L'énigme de la pierre Oeil-de-dragon (Long yan shi zhi mi ren sheng wu qu), 1996, Ed. L'Aube.
  • Crimes et délits à la Bourse de Pékin (Gushi muhou de zuie), 1996, Ed. L'Aube.
  • Crime impuni aux monts Wuyi (Wu zui mou sha), 2012, Ed. L'Aube.

 
 

samedi 4 juin 2016

Karamay - 克拉瑪依


Kèlāmǎyī (克拉瑪依), c'est le nom de la ville plus connue ici sous l'appellation de KARAMAY, qui signifie "huile noire" en ouïghour (قاراماي). 

C'est en 1955 que naît cette ville, qui fut construite à l'occasion de la découverte de gisements pétrolifères et de gaz dans cette région autonome du XinJiang* Ouïghour, ex Turkestan oriental, située à l'extrême nord-ouest de la chine, au nord du Tibet. Elle est distante de 380 km de la capitale de la province Urümqi, au sud-est, qui faisait partie de la "route de la Soie" et à laquelle elle est reliée par un vol quotidien depuis son aérodrome. La province à l'histoire mouvementée a été revendiquée en 1911 par les Chinois lors de la création de la République de Chine et une partie a été intégrée en 1949, suite à la disparition dans un accident d'avion -que certains qualifient de "mystérieux"- des dirigeants du Turkestan oriental qui se rendaient à un entretien avec le dirigeant Mao Dzedong.


Peuplée principalement à l'origine d'Ouïghours, dont la langue est d'origine turque, cette région quasi désertique s'est ensuite peuplée de Kazakhs, de Hui, de Kirghizes et de Mongols (le Kazakhstan se trouve à l'ouest et la Mongolie au nord), puis plus récemment, depuis l'exploitation du pétrole, par des Han ou chinois continentaux qui formaient environ 6% de la population en 1949 et 42% à présent.

Si je vous dis deux mots sur cette ville, c'est que mon professeur de Chinois en est originaire. Curieuse comme je suis, j'ai voulu en savoir un peu plus. J'ai appris notamment qu'en 1994, un incendie terrible avait fait plus de 300 morts, dont 288 enfants et 36 enseignants, dans un théâtre de la ville, le "Théâtre de l'amitié". J'ai lu sur Wikipedia que certains survivants affirment avoir vu une fonctionnaire se lever et entendu s'écrier "Asseyez-vous, camarades ! Ne bougez pas ! Laissez les dirigeants sortir en premier !" (en chinois : 同学们坐下, 不要动, 让领导先走). Et en effet, les dirigeants ont pu s'en sortir. Par la suite, la phrase serait devenue une expression populaire sur Internet signifiant qu'en situation d'urgence, ce sont les représentants du gouvernement qui ont la priorité sur les gens. Cette expression aurait même été reprise par le chanteur Zhou Yunpeng (周雲蓬).

J'ai également appris que de violentes manifestations indépendantistes et des attentats avaient eu lieu dans la région en 1997, 1999, 2008 et 2009. D'après plusieurs documents, le peuple Ouïghour s'est soulevé à maintes reprises depuis la domination chinoise et la destruction de tous les livres du Coran pendant la Révolution Culturelle. 


Comme tous les complexes bénéficiant de la manne des compagnies pétrolières, Karamay s'est développé avec des fonds lui permettant une expansion rapide et un bien-être supérieur à celui d'autres villes du pays. J'ai lu, entre autres, que la petite cité pétrolière, qui compte environ 200.000 habitants, était connue comme étant la plus propre de Chine et qu'elle a pu se doter d'infrastructures modernes et attrayantes. 

La région est constituée d'une immense plaine aride de type steppe. Une de ses attractions géologiques proche de Karamay est la "ville fantôme", sorte de joli petit canyon désertique parsemé de vagues rocheuses de grès ocre où l'on peut voir les différentes strates, que les touristes sont invités à visiter en petit train ou à dos de chameau. 





A côté de l'or noir, l'or blanc :
Le XinJiang Ouïghour est bordé au nord par le massif de l'Altaï et au sud par les monts TianShan (Monts Célestes), sur les contreforts desquels on trouve quelques pistes de ski. Mon professeur nous a d'ailleurs dit y avoir skié depuis sa plus tendre enfance. Depuis 1999, une zone agricole de 333 km2 a été mise en place à une dizaine de kilomètres au sud de la ville, à grands renforts d'irrigation, de façon à moins dépendre des importations d'autres régions.



* XinJiang signifie "nouvelle frontière". Au sud de la région se trouve le désert du Taklamakan (l'un des plus grands du monde), ainsi que celui de Dzoosotoyn Elisen, où se trouve le pôle terrestre d'inacessibilité, c'est-à-dire que c'est le point du globe le plus éloigné d'un rivage marin (à 2.600 km de la côte la plus proche), et le désert de Kumtag.
Si l'histoire de la région vous intéresse : http://www.diploweb.com/p7kell2.htm

Anecdotique : Le journal Libération du 6 août 2014 indiquait que Karamay "a interdit aux hommes barbus et aux femmes voilées du hijab de prendre les transports en commun" durant une compétition sportive qui devait s'achever 12 jours plus tard. Le Quotidien de Karamay en profitait pour prévenir : "Ceux qui ne coopèrent pas avec les équipes d'inspection auront affaire à la police". 
D'après un article de WordPress, les Ouïghours refuseraient de s'aligner sur le fuseau horaire de Pékin (2 et 3 heures de décalage selon les fuseaux internationaux) et continuent de pratiquer leur culture et leurs traditions musulmanes. De plus, ils s'interdiraient les mariages "mixtes" avec les Chinois et seraient en train de se radicaliser. Un signe extérieur de cette radicalisation : les femmes se voilent de plus en plus et les hommes portent davantage la calotte.

Controverse artistique :
En 2015, l'artiste britannique Anish Kapoor -vous savez, celui qui a exposé ses œuvres monumentales dans le parc de Versailles la même année- s'est élevé contre ce qu'il considère comme une forme de plagia. En effet, cette année-là, la ville de Karamay a fait édifier une structure qu'ils nomment parfois "la grosse goutte de pétrole", ce minerai étant le symbole de la prospérité de la ville. Voici un visuel de ce charmant haricot inoxidable dont je n'ai pas retrouvé l'auteur :


Ce que Kapoor reproche à cette oeuvre, c'est de s'être un peu trop largement inspirée de son oeuvre à lui, le fameux "Cloud Gate" à base d'oxyde de fer poli qu'il a fait ériger à Chicago de 2004 à 2006 et dont voici un cliché :